On ne connaît qu’un manuscrit de ce poème : celui confié par Arthur Rimbaud à Paul Demeny en octobre 1870. Si l’hypothèse la plus répandue évoque une scène vécue, il est plus probable qu’il s’agisse là de la représentation d’une image d’Epinal, vue ou imaginée. Ce sonnet doit certainement son succès au mythe du soldat inconnu et au message pacifiste dont il est empreint. Les trois premières publications connues sont celles du tome IV de l’Anthologie des poètes français du XIXe siècle (Alphonse Lemerre, 1888), de Reliquaire (Genonceaux, 1891) et des Poésies complètes (Vanier, 1895). Il existerait, selon Charles-Marc Des Granges (Les poètes français, 1820-1920, Hatier, 1932, p. 309) une publication faite par Le Progrès des Ardennes, mais elle n’a jamais pu être vérifée.
C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.1Octobre 1870