Ce poème, non daté mais estimé à septembre 1870, a été remis par Rimbaud en octobre 1870 à Paul Demeny. Il a été publié pour la première fois dans Reliquaire (Genonceaux éditeur, novembre 1891). C’est ce manuscrit, le seul connu, qui est conservé à la British Library de Londres.
Comme pour « Morts de Quatre-vingt-douze » Arthur Rimbaud s’inspire ici de l’actualité : le 2 septembre 1870 marque la capitulation de la France contre la Prusse, et Napoléon III est fait prisonnier. Alors âgé de treize ans, Rimbaud avait déclaré dans une conversation à l’école qu’à propos du coup d’état du 2 décembre 1851 l’Empereur méritait « les galères ».
L’Homme pâle2, le long des pelouses fleuries3,
Chemine, en habit noir4, et le cigare aux dents :
L’Homme pâle repense aux fleurs des Tuileries
– Et parfois son œil terne a des regards ardents...Car l’Empereur est soûl de ses vingt ans d’orgie !
Il s’était dit : « Je vais souffler la Liberté
Bien délicatement, ainsi qu’une bougie ! »
La liberté revit ! Il se sent éreinté5 !Il est pris. – Oh ! quel nom sur ses lèvres muettes
Tressaille ? Quel regret implacable le mord ?
On ne le saura pas. L’Empereur a l’œil mort.Il repense peut-être au Compère en lunettes6...
– Et regarde filer de son cigare en feu,
Comme aux soirs de Saint Cloud7, un fin nuage bleu.Arthur Rimbaud
Manuscrit autographe confié à Paul Demeny en octobre 1870.