Ce poème est l’un des sept sonnets confiés à Paul Demeny en octobre 1870. Il été publié pour la première fois dans La Revue indépendante, numéros 27-28, janvier-février 1889. Si Arthur Rimbaud évoque ici ses fugues de l’automne 1870 et son amour pour la liberté, il s’agit aussi, comme le dit le sous-titre, d’une fantaisie. L’emploi d’un langage désuet (« féal », « paletot ») donne au poème un ton parodique, voire sarcastique. Les clichés du romantisme et du Parnasse sont également tournés en dérision (« Muse », « lyre », « Oh ! là, là ! »).
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal1 ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal2 ;
Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse3.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou4Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur5 ;Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur6 !Arthur Rimbaud